Actuellement, les bons films fantastiques se font rares au cinéma. Erick Fearson en a fait la triste expérience avec Paranormal Activity, Evidence of a Hauting, thriller psychologique monté à la sauce Blair Witch Project, qui s'avère être meilleur phénomène marketing qu'oeuvre artistique. Malheureusement, le public est au rendez-vous. A croire qu'en période de crise, le moral et les neurones font la grève...
Par Erick Fearson
Je viens de voir
Paranormal Activity, le "film le plus effrayant" depuis 25 ans dans sa catégorie. Du moins, c’est ainsi que les médias nous le vendent. Qu’en est-il vraiment ? Avant d’entrer dans les détails, quelques mots sur le pitch. Un jeune couple suspecte leur maison d'être hantée par un esprit démoniaque. Ils décident alors de mettre en place une vidéo surveillance durant leur sommeil afin d'enregistrer les évènements nocturnes dont ils sont victimes. Les images datées de septembre à octobre 2006 ont été récupérées puis montées en un film de 86 minutes :
Paranormal Activity.
Ceux qui me connaissent bien le savent : je suis friand des films fantastiques où tout est basé sur la suggestion plutôt que sur la démonstration. En vérité, les films avec moult effets spéciaux et litres d’hémoglobine m’ennuient profondément. Je laisse ces amusements puérils aux adolescents pré-pubères qu’un rien émoustille. Je me faisais donc une joie de regarder
Paranormal Activity, tourné selon la technique de la caméra subjective et, surtout, sans effets spéciaux à trois millions de dollars. D’autant plus que le film en question traite d’un sujet qui m’est cher : les fantômes. En fait, pas du tout mais je ne le savais pas encore avant d’avoir vu le film…
Alors ? Rien de neuf sous le soleil, avec ce huit clos qui ne réinvente même pas le genre. En effet, n’est pas
Blair Witch Project qui veut ! Si ce dernier est une perle du genre,
Paranormal Activity est un soufflé qui ne prend pas. L’aspect documentaire aurait pu servir le film. En fait, et dans ce cas précis, on a la désagréable impression que ce procédé sert à cacher la pauvreté du film en question.
Pour être honnête, je précise que je n’allais pas voir ce film dans l’unique but d’avoir peur. Pour ma part, un réalisateur doit être sacrément talentueux pour m’effrayer un tant soit peu avec un film de fantômes ou vendu comme tel. De plus, et comme à mon habitude, je ne rentre jamais dans le piège marketing d’un buzz de quelque nature que ce soit. Surtout, stratégie douteuse, quand il nous est servi par la production du film elle-même. Ma démarche première fut, avant tout, de voir comment ils allaient aborder le sujet et l’aspect psychologique. Car si je m’en tiens uniquement au synopsis et au trailer, le héros met en place une méthodologie proche de celle des chasseurs de fantômes pour tenter d’éclaircir les événements surnaturels qui surviennent dans cette maison. Naturellement, si je pouvais, en sus, obtenir quelques frissons, alors pourquoi pas ! Mais hormis quelques jeunes vierges effarouchées, je me demande bien qui ce film peut effrayer ? Bien sûr, il y a bien quelques moments dans le film où transpirent une appréhension et une certaine tension. Mais c’est plutôt léger. En réalité, la pression est mise durant les scènes de nuit et surtout dans les dix dernières minutes d’un final à grosses ficelles, bâclé et totalement prévisible.
Car le film est long… très long. Et donc passablement ennuyeux. Plusieurs fois, je me suis laissé surprendre non par l’entité du film mais par mes bâillements. Et pourtant, je suis plutôt de nature à apprécier les films longs et lents (tels que les films d’auteurs du cinéma asiatique par exemple) et à m’ennuyer ferme durant les films d’action. Mais ces films lents que j’apprécie contiennent un fond, une poésie, une esthétique, une émotion ou bien encore un propos cohérent qui donne matière à réfléchir. Ce n’est pas le cas avec l’insipide
Paranormal Activity. A défaut d’esprits (ou d’esprit ?), c’est l’incohérence la plus totale qui hante ce film. En effet, les personnes qui, comme moi, s’intéressent au domaine du paranormal noteront les nombreux amalgames entre l’univers des spectres et celui des démons. Deux mondes totalement différents que le réalisateur s’efforce d’imbriquer sans se soucier d’une quelconque cohérence. La belle affaire ! En les confondant ainsi, il nous livre un scénario complètement improbable et totalement décousu, mais néanmoins exploitable pour le spectateur néophyte qui n’ira pas chercher plus loin.
Sans forcément se focaliser sur les absurdités et les incohérences du thème abordé, l’histoire est remplie des failles inacceptables, erreurs de débutant.
Ne parlons pas de la psychologie caricaturale et inexistante de nos deux héros au Q.I de bulot. Ou des lacunes narratives. On ne saura jamais la nature de l’« entité » qui poursuit l’héroïne, d’où elle vient, ni pourquoi elle est là et ce qu’elle veut. Quel est le but de la photo retrouvée dans le grenier, si ce n’est de faire un effet à la « Quatrième dimension » ? Pas de réponse. Pourquoi révéler une information via le OuiJa qui s’avère totalement inutile pour la suite pour l’intrigue ? Pas de réponse. Le réalisateur cherchait-il à gagner du temps avec ces artifices pour remplir péniblement les 86 minutes de film ? On pourrait légitimement se poser la question. Notons au passage que la séance avec le OuiJa est parfaitement ridicule. Elle fait partie des stéréotypes colportés par ceux qui ignorent l’objet et son usage. Le OuiJa du film est lui-même risible. Plutôt que de prendre un OuiJa classique pour gagner en crédibilité (le modèle de William Fuld par exemple), le réalisateur nous sert un modèle de OuiJa de style « satanique» avec un pentagramme inversé. Cliché, cliché, quand tu nous tiens… Par l’intermédiaire de la planche aux esprits, nos deux héros vont découvrir le prénom d’une personne qu’ils retrouveront en cherchant bien sur internet, et à qui il est arrivé la même chose. Et c’est tout ! Vous avez bien lu, ils ne chercheront pas à en savoir plus ! Quant au médium qui intervient dans cette fiction, il frise le ridicule. Il fait tout ce qu’un vrai médium ne devrait pas faire, à commencer par leur foutre la trouille avant de leur avouer que de toute façon, ils sont perdus ! A se demander s’il connaît son boulot tant ce qu’il dit est erroné et digne d’un intégriste superstitieux ! Le summum est atteint quand il intervient une seconde fois dans la maison pour dire aux héros qu’il ne peut rien faire pour les aider. En effet, il avoue qu’il ne peut rester ici tellement la présence de l’entité est prégnante. Pour vous dire la vérité, je n’ai pu m’empêcher de lâcher un éclat de rire sur cette scène.
Dans un cas comme celui-ci, nous pouvons penser qu’il suffit de s’éloigner du lieu hanté pour échapper aux phénomènes de hantises. Et bien non, nous dit-on, car c’est l’héroïne qui est « hantée » ou, pour être plus juste, qui est « possédée ». Fuir ne résoudra pas le problème. Si, dans ce cas précis, elle est possédée, pourquoi alors intégrer dans le scénario des phénomènes qui sont typiquement liés aux hantises mais qui n’ont rien à voir avec la possession démoniaque ? Par indulgence, on pourrait supposer que les phénomènes psychokinétiques sont liés à un poltergeist (rien à voir avec un fantôme, soit dit en passant), en plus de la possession de cette pauvre fille. Dans ce cas, elle serait, bien inconsciemment, l’agent déclencheur de ces manifestations. Mais, encore une fois, ça ne tient pas debout. En effet, certains phénomènes se déroulent alors que l’héroïne se trouve hors de la pièce en question. Quand le « poltergeist » s’active. Exemple : le lustre qui se balance ou la télévision qui s’allume.
Enfin, le réalisateur/scénariste aurait dû potasser un peu plus les techniques des investigateurs de lieux hantés car son héros les utilise bien maladroitement, les rendant ainsi caduques.
Je doute qu’il connaisse un tant soit peu la démonologie et le monde des fantômes. En effet, selon ses propres mots, il ne croit pas aux fantômes et ne s’intéresse pas particulièrement à cet univers. Autant dire que ça transpire clairement à l’écran ! Il nous est donc impossible dès le départ, de croire à cette farce grotesque qui nous est vendue comme une histoire vraie (sic).
Néanmoins, la bonne idée du réalisateur est d’utiliser un type d’effets minimalistes et anxiogènes, grâce notamment à la présence du time code qui participe à l’angoisse du spectateur. Il révèle et amplifie certains phénomènes. Mais malgré ça, la sauce ne prend pas. Les manifestations pourraient être crédibles, du moins certaines, si elles étaient utilisées isolément et avec parcimonie. Malheureusement, le réalisateur utilise tous les poncifs du genre, réussissant à nous les servir dans le même film en un laps de temps relativement court : lustre et drap qui bougent, traces de pas et d’ecchymose sur la victime, chuchotements venant de nulle part, portes qui claquent brusquement, lumière et télévision qui s’allument, etc… A faire rêver tous les chasseurs de fantômes ! En même temps, et bizarrement, le film ne montre pas grand-chose. Et paradoxalement, ne laisse aucune place à l’interprétation. C’est bien dommage.
Malgré ça, les dix dernières minutes vous feront peut-être sursauter même si on reste dans l’incohérence la plus totale tant le final est médiocre et facile. Je précise que je parle ici de la fin alternative la moins mauvaise. En effet, saviez-vous que
Paranormal Activity comporte deux fins différentes ? La deuxième fin (celle qui est visible dans les salles de cinéma) est encore plus ridicule que l’originale. Elle permet surtout aux producteurs d’annoncer une suite. D’ailleurs déjà en court de « tournage ». Business is business…
En toute honnêteté, la
bande-annonce se révèle plus intéressante que le film lui-même. Comme c’est souvent le cas. Même si les réactions des spectateurs dans cette bande-annonce sont totalement disproportionnées. Néanmoins, ces spectateurs triés sur le volet par la production sont américains et l’on sait combien ces derniers, Spielberg le premier, sont bon public donc bons clients.
Pourtant, les amateurs de fantastique apprécieront certainement
Paranormal Activity plutôt que le mièvre et très médiocre
Twilight qui fait lui aussi le « buzz » en ce moment. Ce long-métrage moralisateur et insipide au possible, uniquement destiné aux jeunes filles en fleur, a autant de rapport avec les vampires que
Paranormal Activity avec les fantômes.
Il est dommage que ce film soit ainsi survendu dans les médias. Il ne mérite pas l’attention qu’on lui porte. Nous sommes bien loin des chefs d’œuvre tel que
L’Exorciste,
L’Emprise ou encore de la magnifique perle horrifique
Rosemary’s baby.
En conclusion, avec
Paranormal Activity, le but avoué du réalisateur est de susciter uniquement la peur avec quelques grosses ficelles. Malheureusement, il échoue dans cette démarche par un manque de cohérence, ainsi que par l’utilisation abusive de divers clichés éculés. Juste digne d’être diffusé sur YouTube, ce film ne donne aucune lettre de noblesse au genre fantastique.
C’est dit.
E.F.
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Preuve d'un navet