jeudi 10 avril 2008

Chasseur Noir

Publié depuis ses 19 ans, Michel Honaker écrit depuis l’âge de 9 ans. C’est dire s’il s’y connait en récits policiers et fantastiques pour la jeunesse. « Quand j’avais dix ans, confie-t-il dans une interview*, les histoires que je rêvais de lire n’existaient pas. Je n’avais comme solution que de les écrire moi-même. »
Dans son dernier roman publié chez Tribal Flammarion, Chasseur Noir, il remet en scène le personnage à qui il avait donné vie dans la série Le Commandeur, le professeur Ebezener Graymes, au look de chasseur de primes. Macfarlane et chapeau noir, spécialiste de "démonologie et de traditions anciennes", Graymes serait le "double" de son auteur. Il régule les pratiques occultes. Plutôt inquiétant, non ? En fait, Michel Honaker cultive son art du mystère depuis l’enfance qu’il a passée dans les salles obscures à voir de vieux films d’épouvante, comme Dracula. C’est dans cette "simplicité émouvante et romantique" qu’il puise son inspiration. Au début des années 1990, il publie La Sorcière de midi et Le Prince d’ébène chez Rageot dans la volonté de renouer avec le genre fantastique du 19e siècle, « les atmosphères baroques, les personnages très sombres, le gothisme, ce genre de littérature en bleu-gris » qu’il a toujours affectionné. Conan Doyle et Bram Stoker, deux écrivains anglo-saxons qui flirtent avec l’intrigue policière et le surnaturel, furent ses « détonateurs, plutôt que des inspirateurs ».
Dès lors, il refuse de considérer l’enfance comme un monde merveilleux à la Walt Disney. « La cour de récréation est un lieu infernal, les enfants se blessent, se font mal. » Créateur d’ambiances noires à la Edgar Poe, Michel Honaker ne triche donc pas avec ses lecteurs, même les plus jeunes. Ses romans révèlent une réalité machiavélique dans laquelle évoluent des personnages tiraillés entre le sublime et l’infâme, dans un combat contre leurs propres démons.
Or, Chasseur Noir ne déroge pas à la règle. Le maire de New-York est assassiné par envoûtement, un adolescent joue les apprenti-sorciers, un journaliste est retrouvé pétrifié au volant de sa voiture, un démonologue mène un combat sans pitié contre des créatures maléfiques,… Devant cette accumulation de phénomènes étranges, un lieutenant de police et son stagiaire mènent l’enquête. Mais ils devront oublier toute logique pour envisager la solution de l'énigme, même la plus extraordinaire !
Derrière la couverture illustrée de Sébastien Pelon, le récit avance vite. La tension monte. A l’instar des "page turners" propres aux meilleurs thrillers, les chapitres sont courts, efficaces. On se croirait plongé dans une aventure apocalyptique à la Lovecraft ou dans l’atmosphère "vieux grimoire magique" du roman d’Arturo Perez-Reverte, Le Club Dumas, librement adapté au cinéma en 1999 par Roman Polanski avec La Neuvième Porte. En outre, Honaker connait certainement Harry Potter. Son gnome Goffon rappelle étrangement l’elfe Dobby, lui-même probablement inspiré du Golum de Tolkien. Et devant les blêmes qui attaquent l’occultiste Graymes, on ne peut s’empêcher de penser aux détraqueurs de la prison d’Azkaban.
Dans Chasseur Noir, des secrets ancestraux remontent à la surface des rues de New-York, alors que la destruction des tours jumelles est encore dans tous les esprits. A quelques pas d’une circulation urbaine effrénée, où les klaxons et les feux tricolores font monter la pression, Honaker nous fait pousser la porte d’une vieille librairie toute poussiéreuse ou d’un manoir hanté qui échappent à l’emprise du temps. A l’image de cette cohabitation des décors opposés, Chasseur Noir est un roman de contrastes. Comme une brocante au milieu d’un quartier d’affaires.
Chasseur Noir est un bon roman fantastique, à lire dès 13 ans. Et, pour Michel Honaker, « le fantastique, c’est ce qui se trouve derrière votre porte, la seconde précise avant d’ouvrir… et de n’y trouver personne. » O.V.

Chasseur Noir, Michel Honaker, Collection Tribal, Editions Flammarion, mars 2008

*Lire l’entretien avec Michel Honaker (septembre 1992) sur :

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je ne connaissais pas Michel Honacker et ses oeuvres. Ce "Chasseur Noir" m'a l'air vraiment très interessant merci de me le faire découvrir.