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Photo François Davin |
Le vendredi 22 novembre à 20h45, France 2 diffuse un nouvel épisode de la série des "Petits meurtres d'Agatha Christie" avec Samuel Labarthe (la voix française de George Clooney) et Blandine Bellavoir. Dans "Témoin muet", une énigme policière teintée de surnaturel, un chien est le seul témoin de deux meurtres dans un château de famille hanté par des fantômes qui brûlent de révéler le nom de l'assassin. Le lieu romanesque qui a servi de décor au tournage est le château de Steene, près de Dunkerque. Une demeure mystérieuse que nous avions visitée en 2006 en compagnie d'une équipe de production pour un projet audiovisuel classé sans suite. A l'époque, Maison-Hantee.com avait publié un reportage que le propriétaire nous avait demandé, peu après, de supprimer pour ne pas nuire à une transaction immobilière. Aujourd'hui, le secret défense peut être levé puisque le château appartient toujours à notre hôte et que la presse régionale* s'est fait l'écho de ce tournage. Le scénario de "Témoin muet" n'ayant pas à rougir des légendes attribuées au domaine, nous décidons de rééditer ce reportage dans son intégralité. Dès le début de cette inoubliable aventure, nous étions convaincus que ce château serait le terrain de jeu idéal pour une intrigue d'Agatha Christie. C'est désormais chose faite.
Par Olivier Valentin, avec la complicité d’Erick Fearson
Quelque part dans le nord de la France, à Steene, près de
Dunkerque, un château pointe ses tourelles vers un ciel gris et froid, comme un
trait d’union entre les drames du passé et les mystères du présent. Vide et déserté
la plupart du temps, les habitants du coin le redoutent. Discrets, les quelques
anciens du village se souviennent encore des événements tragiques qui s’y sont
déroulés. Même le propriétaire actuel reconnait que son esthétisme écossais et
son ambiance inspirent quelques frissons à ses invités, notamment au crépuscule.
Deux oies sauvages, à demeure dans le parc toute l’année, en gardent l’accès.
L’équipe de Maison-Hantee.com s’est rendue sur place pour faire le point sur
les légendes qui l’entourent, bravant même la fraicheur d’une nuit de pleine
lune, pour enquêter, équipement à l’appui, sur une histoire de hantise : celle
d’une fillette, disparue accidentellement dans les douves, au milieu du XIXème
siècle, et dont le fantôme hante les environs pour vaincre l’oubli. Souvent,
elle laisse ses empreintes dans la neige de l’hiver, à moins que l’on fleurisse
sa tombe. D’autres phénomènes étranges ont été répertoriés au château, au point
que nul artisan de la région n’accepte d’y travailler une fois la nuit tombée.
Aujourd’hui à vendre, cette demeure est une énigme historique et surnaturelle.
Ensorcelant !
Des pas dans la neige…
La première fois que j’ai entendu parler du château de
Steenbourg, je feuilletais un livre sur la France mystérieuse. Et c’est la
seule allusion au lieu que j’ai pu découvrir jusqu’à présent. Internet ne m’a
aidé qu’à dénicher, par chance, les coordonnées du propriétaire actuel qui
possède le château depuis 20 ans et cherche aujourd’hui des sources de
financement pour le rénover… ou le vendre ! Aucune autre trace des
légendes, ni de son passé mouvementé. Je contacte donc Marc Lambert pour lui
parler de notre site web et de notre démarche éditoriale. Au prix de quelques efforts
diplomatiques, il accepte de me confier, en vrac, toutes les rumeurs qui
portent sur plusieurs siècles d’histoire. Une véritable avalanche de curiosités
insolites !
Cadre supérieur dans une grande entreprise, proche d’une
retraite bien méritée tant sa vie fut active, d’un tempérament aventurier mais réservé
sur le surnaturel, Marc Lambert a acheté ce château en 1987, par amour d’une
femme. A cette époque, un mystérieux incendie avait ravagé le premier étage et
les combles. D’après lui, une escroquerie à l’assurance aurait suivi le départ
agité des anciens propriétaires. Il engage alors de lourds travaux de
réhabilitation. Et pourtant, étranger à cette région, il n’y habitera
pratiquement jamais.
En 1993, il organise un tournoi de chevalerie et y invite
gracieusement ses voisins. Gagnant leur confiance, ces derniers lui révèlent
alors des histoires mystérieuses. Notamment la légende d’une dame blanche qui
hante le château depuis la mort d’une petite fille vers 1850. D’après le secret
d’un ancien jardinier, elle serait tombée dans les douves, en voulant escalader
un arbre, et s’y serait noyée. Sa dépouille est enterrée au cimetière du bourg.
Mais son fantôme revient au château car, après le décès de ses parents, plus
personne ne s’est occupé de sa tombe. Un lendemain de Noël, dans la seconde
moitié du XXème siècle, on aurait retrouvé des traces de pas dans la neige recouvrant
le fossé gelé autour du château. Mais nul indice d’entrée, ni de sortie !
Le jardinier confie alors qu’il faut fleurir la tombe de cette petite fille
pour apaiser son âme des tourmentes de l’oubli. Malgré le respect de ce contrat
d’outre-tombe, les propriétaires sont harcelés par d’autres phénomènes de poltergeist : des placards
s’ouvrent et se referment brutalement, sans la moindre explication ; dans
la demeure convertie en restaurant vers 1968, ils découvrent des couteaux non
pointus plantés dans la poutre en orme d’une cheminée, sans que personne
n’avoue les y avoir jetés ; des revues sont retrouvées éparpillées dans
une pièce, sans raison ; etc. Ereinté, le couple de dunkerquois revend alors
le château.
On entend chanter dans le château !
Monsieur Lambert, quant à lui, a résisté à ces rumeurs. Et
pourtant, il me confie un témoignage extraordinaire : on entend chanter
dans le château ! Comme une voix féminine provenant de l’ancien salon de musique…
« Il y a vingt ans, alors que des
jeunes de l’association Vieilles Maison Françaises étaient venus me donner un
coup de main pour rénover le château, nous étions tous dans la cuisine pour se
raconter des histoires de fantômes lorsque soudain, nous avons entendu, par la
porte entrouverte, une voix chanter. Je me suis dit qu’il s’agissait sans doute
du vent qui jouait les courants d’air dans la cheminée. Mais les jeunes n’ont
pas eu le même sang froid que moi. Ils ont refusé de dormir dans le château,
lui préférant une nuit dans leurs voitures, et encore, en dehors du parc !
Depuis lors, j’ai plusieurs fois entendu cette voix fredonner. Mais je n’ai
aucune explication… »
Samedi 11 février 2006. Nous prenons la route de Dunkerque. Monsieur
Lambert nous attend après le déjeuner. Il nous a conviés à poursuivre notre
discussion et notre enquête directement sur place, quitte à veiller tard pour
« gouter l’atmosphère des lieux après minuit »…
Notre arrivée est digne d’un roman d’Agatha Christie !
Proche de la route qui mène au village, derrière une rangée d’arbustes
dégarnis, apparaît l’énigmatique bâtisse ocre et gris, flanqué de quatre
tourelles d’angle, au milieu de ses douves en eau, le faisant ressembler à un
château écossais. A l’entrée du parc, le portail étant cadenassé (pour éloigner
les curieux !), nous annonçons notre arrivée par un coup de téléphone. Un
homme flegmatique, aux cheveux grisonnants, suscitant tout de suite la
sympathie, ouvre ses portes à notre équipe de chasseurs de fantômes et nous
souhaite la bienvenue. Dans l’allée menant à la grille, nous apercevons au sol,
dans les feuilles d’automne, un linteau rouillé portant le nom du château et
une date, 1574 !
Zylof de Steenbourg
En effet, c’est vers la fin du XVIème siècle, que cette
demeure nobiliaire, d’origine féodale, a pris son allure actuelle, grâce aux
travaux dirigés par le Seigneur de la Rape. Lorsque sa fille épousa Jean le
Vaillant, le château devint la propriété de cette famille jusqu’en 1679. A
cette date, la seigneurie et le château furent vendus à Messire Jacques de Zylof,
seigneur d’Obigny, qui lui a donné une partie de son nom. Ce sont ses
descendants qui ont habité au château jusqu’au début du XXème siècle.
La famille Zylof, qui a cédé le château en 1957, occupe
ainsi une place privilégiée dans la mémoire collective. Au cimetière communal,
un espace leur est réservé. Tout comme deux sièges nominatifs de l’église, sur
lesquels personne ne s’assoit le dimanche, à la messe. Dans la crypte, qu’une
légende relie au château par un souterrain disparu, d’autres tombes sont attribuées
aux Zylof.
Avant la guerre, le roi de Belgique aurait séjourné au château.
Mais l’occupation la plus douloureuse fut sans doute celle
de la Kommandantur, pendant la seconde guerre mondiale, qui fit implanter des
bunkers dans le parc et une prison dans la cave. Dès lors, la mémoire du
château fut associée aux pires atrocités de l’armée allemande.
Un week-end, Marc Lambert a surpris des touristes allemands,
dans l’enceinte de sa propriété, en train de répertorier les
« blockhaus » comme monuments historiques. Simple question de point
de vue !
Entamant notre visite par l’extérieur, nous en devinons les
formes, sous des monticules de terre. L’escalier en fer qui conduit dans le
ventre du plus gros est envahi par la végétation. Monsieur Lambert nous met en garde
contre les promenades aléatoires tant le sous-sol est devenu un vrai gruyère.
On pourrait facilement tomber dans un trou. Près des douves, il nous raconte un
accident qui a failli lui coûter la vie si sa fille n’était pas intervenue.
Draguant les fonds, peu profonds en apparence, il a mis le pied dans un trou,
rempli de vase. Alors qu’il commençait à s’enfoncer, comme dans des sables
mouvants, sa fille l’a aidé à en sortir. Il y a laissé une chaussure, toujours
au fond… Nous pensons à cette petite fille qui n’a pas eu la même chance,
presque 150 ans plus tôt.
Un hôte mystérieux
Nous passons le pont, évitant de tourner le dos à des oies
facétieuses, qui ont le bec baladeur. Dans la cour, Erick aperçoit un chat
blanc, derrière une vitre de l’étage. Depuis combien de temps observe-t-il
notre petit manège ? Erick est très vite intrigué par son comportement
inhabituel : « À mon arrivée,
encore dans mon véhicule, j’ai dirigé instinctivement mon regard vers l’une des
nombreuses fenêtres du château. Derrière les vitres, un chat blanc immobile, hôte
mystérieux de ce lieu, me fixait intensément de ses yeux vairons. Son regard
perçant et profond semblait être un appel irrésistible vers l’étrange… une
invitation impossible à décliner ! » D’après Marc Lambert, Bouny,
- car tel est son nom ! -, s’est présenté un jour, aux portes du château,
pendant un séjour. Il ignore d’où il vient mais ils se sont adoptés l’un
l’autre sans réserve. Pendant tout le temps de notre visite, Bouny s’est révélé
un compagnon fidèle et curieux, presqu’un guide. Parfois, on lui aurait prêté
un rôle de gardien, tant son attitude inquisitrice le faisait précéder nos pas,
ou fermer la marche derrière nous. Erick se souvient : « Sitôt entré dans le hall d’entrée, le chat
attendait là, immobile, et me fixait toujours avec cette même intensité. D’un
pas félin, il s’est approché de moi et s’est laissé caresser avant de
poursuivre sa route vers le salon de musique. Marquant un temps d’arrêt, il
s’est retourné vers moi avec ce même regard, avant d’entrer dans la pièce…Un
appel à le suivre ? J’osais le croire. Après la visite de ce salon par
notre petit groupe, Bouny a fermé la marche, tel le gardien de ce
« temple ». Et, durant toute la visite, il a procédé de la même
façon, hormis pour la dernière pièce, le grenier, où il est resté comme pour
nous signifier que la visite touchait à sa fin. »
Le propriétaire nous rappelle alors la vieille tradition,
heureusement disparue, du chat noir emmuré vivant dans les châteaux d’autrefois
pour conjurer les mauvais sorts. Bouny serait-il apparu au château pour venger
un ancêtre sacrifié ?
Certaines pièces du rez-de-chaussée ont gardé le charme des
vieilles demeures, avec leurs cheminées sculptées. Il n’y a plus aucun mobilier,
à l’exception des quelques salles occupées pour de courts séjours. Et, la
chaudière n’étant pas encore opérationnelle, il règne un silence glacial. Le
tour d’horizon de jour nous révèle une bâtisse qui souffre, même si les travaux
entrepris par Monsieur Lambert ont permis de consolider le gros œuvre et de le
protéger des intempéries et des effondrements. Les ravages du mystérieux
incendie sont encore perceptibles sur certains murs des combles. Plusieurs
pièces, aux fenêtres brisées, sont livrées aux caprices de la nature, en
particulier des oiseaux. Nous sommes impressionnés par l’investissement du
propriétaire qui, pendant vingt ans, n’a eu de cesse de réaliser ses ambitions.
Aujourd’hui, il s’agit plus d’un fil à la patte dont il souhaite se séparer, au
profit d’un projet de reconversion en hôtel de luxe pour une clientèle
frontalière.
Nous prenons congé de notre hôte, lui donnant rendez-vous
dans une auberge des environs, pour le dîner.
L’ivresse de la peur
23h30. De retour au château, Erick prépare ses instruments
pour notre exploration nocturne. Parmi les équipements du chasseur de fantômes,
on trouve un thermomètre à visée laser, permettant de mesurer la température
avec une extrême précision, dans un périmètre bien délimité. Si un phénomène d’absorption
de l’énergie environnante, provoquant par nature une légère déperdition de
chaleur, croise le faisceau, la température doit brutalement chuter de quelques
degrés Celsius, révélant ainsi une présence en mouvement. De même, le détecteur
de champs électromagnétiques réagira à toute variation d’énergie,
indépendamment des parasites électrostatiques (installations électriques, ondes
radio,…).
Pour capter des manifestations invisibles à l’œil nu
(apparitions, orbs,…), Erick utilise une caméra numérique en mode infrarouge.
Elle permet de filmer en continu les déplacements d’un observateur et de
visionner l’enregistrement audiovisuel à posteriori.
Enfin, une lampe torche et un appareil photo numérique
restent les outils les plus simples pour se déplacer dans le noir et,
éventuellement, capter un événement inattendu.
En outre, sobriété, modestie et intuition sont des atouts
indispensables pour éviter hallucinations, débordements et scepticisme.
Erick nous met en garde contre « l’ivresse du chasseur
de fantômes » qui peut nous surprendre aussi bien que l’ivresse des
profondeurs ou de l’altitude pénalisent le plongeur ou l’alpiniste. Non par
manque d’oxygène mais de discernement de la réalité !
Une trop forte frénésie, motivée par le caractère ludique et
palpitant de notre enquête, pourrait avoir raison de notre objectivité. Il faut
promettre au groupe de juger tout incident étrange avec bon sens, sans le
majorer, ni le minorer. Les participants à une investigation de lieu hanté
doivent donc rester raisonnables et curieux, sous peine d’accréditer les thèses
de leurs détracteurs. Ce n’est donc pas un jeu de rôle mais bel et bien une
aventure humaine, aux frontières entre l’expérience et l’événement. Et même si
le mystère devait frapper l’un ou l’une d’entre nous, il ne faut pas céder la
panique, ni le considérer comme dangereux.
Conscient de mes responsabilités, je me plonge dans
l’obscurité du château, une lampe de poche dans une main, le détecteur de
champs électromagnétiques dans l’autre. Je dois surveiller l’aiguille qui
déploie sa course sur trois zones colorées : vert, jaune et rouge. Au
moindre son de l’appareil, plusieurs explications sont possibles en fonction de
la mesure effectuée par l’aiguille. Si celle-ci oscille dans la partie vert ou
rouge, cela veut dire que l’appareil capte un champ électromagnétique attribué
à une source identifiable. Au contraire, si elle se déplace dans la zone jaune,
le champ détecté est d’origine inexplicable car sa mesure en Milligauss ne
correspond à rien de connu… jusqu’à présent !
Le propriétaire, une amie et son fils, forment un autre
groupe. Les autres intervenants se
dispersent aux quatre coins de la demeure.
Erick poursuit un autre chemin. Mais il a du mal à trouver
les conditions optimales pour expérimenter l’incroyable car l’euphorie gagne
peu à peu les participants.
Très vite, je me retrouve isolé des autres membres de
l’équipe. J’entends au loin l’écho des voix des autres enquêteurs qui se
croisent, au détour des couloirs. Seul, j’éteins souvent ma lampe pour faire
abstraction du champ visuel et exacerber les autres sens. Je réprime la
sensation – normale ! – d’oppression qui me gagne dans le noir pour
laisser le champ libre à toute forme d’expression de la hantise. Rien d’anormal !
Aucun incident étrange ! Le détecteur reste muet. De la cave au grenier,
je renouvelle l’expérience plusieurs fois, sans résultat. Alors, sans
manifester le moindre signe de déception (je ne cherche pas à capturer un
mystère, coûte que coûte !), je rejoins Erick dans le cellier. L’ambiance
est plus chargée. Sans doute parce qu’il s’agissait d’un ancien lieu de torture
de l’occupation nazie… Je me refuse à laisser mon imagination prendre le
dessus !
Le couloir de la mort
A l’exception des yeux du chat qui ont réfléchi le rayon de
ma lampe à plusieurs reprises, rien n’a suscité chez moi un quelconque motif de
peur. Erick a bien relevé quelques variations de température mais sans leur
attribuer une cause vraiment surnaturelle.
En revanche, ses ressentis ont été plus forts à deux
endroits : dans le grenier, à l’emplacement d’une tourelle remplie d’eau
de pluie, et dans le cellier où un curieux phénomène a surpassé toute hypothèse
de hantise. « Avant d’atteindre le
fond du cellier, nous devions traverser un long couloir obscur. Étrange
couloir, en vérité, envahi par des centaines de petites boules blanches
cotonneuses accrochées aux murs et suspendues au plafond. Focalisé sur
l’extrémité de ce couloir, je ne me souciais pas de ces insolites boulettes
blanches, bien que les évitant avec précaution. Arrivé au bout, je me suis retrouvé
à l’entrée d’une petite pièce circulaire, très bas de plafond, qui n’est que le
prolongement souterrain d’une des tourelles. Au vu des crochets suspendus, cet
endroit devait servir à conserver la viande et diverses denrées alimentaires.
C’est précisément à cet instant qu’un sentiment de souffrance et une légère sensation
d’oppression se manifestèrent à moi. Très brefs, mais néanmoins bien présents.
J’appris plus tard que, dans ce petit réduit, l’armée allemande fit subir d’effroyables
tortures à leurs prisonniers, durant la deuxième guerre mondiale. C’est du
moins ce que l’on raconte dans la région. Avais-je ressenti la souffrance et la
douleur de ces pauvres âmes emprisonnées encore en ce lieu ? Je ne me
prononcerais pas. J’aurais aimé pénétrer dans ce « cachot » mais, à
l’image du couloir, il était également « hanté » par ces mystérieux
petits cocons suspendus. Lesquels cocons étaient enchevêtrés dans de
gigantesques toiles d’araignées qui occupaient toute la surface de cette
ténébreuse pièce. C’est à cet instant précis que je réalisai, non sans émotion,
que ces cocons étaient des centaines d’araignées en sommeil attendant de
meilleurs jours pour sortir de leur retraite ! La fonction infrarouge de
mon caméscope me le confirma : je pouvais voir ces petites bêtes
recroquevillées dans leur armure cotonneuse. Sans panique pour ne pas provoquer
leur réveil, je m’extirpai de ce repaire… »
Il faut se rendre à l’évidence, tout en reconnaissant que cette
conclusion est très fréquente, au profit des objecteurs : les phénomènes
surnaturels du château ne se sont pas manifestés à nous, ce soir !
En bon chasseur de fantômes, Erick désamorce notre
déception : « Faut-il en
conclure que l’endroit n’est pas hanté ? Bien évidemment non ! Ce
serait faire preuve d’une vision simpliste de la chose. Tout d’abord, il aurait
fallu passer plus de temps sur place, revenir plusieurs fois et dans
différentes conditions. Être témoin d’une manifestation surnaturelle s’appuie tellement
sur une conjonction de nombreux paramètres, dont certains aléatoires, qu’il est
difficile de ne pas rentrer bredouille d’une chasse aux fantômes. On ne peut
pas faire mouche à chaque fois…. »
Seule la lune nous a offert un curieux spectacle, alors que
nous nous apprêtions à quitter les lieux pour notre hôtel (il n’était pas
possible de loger sur place, faute de lit et de chauffage). Entourée d’un
gigantesque halo, elle annonçait du grain pour le lendemain. Maudissant le
vieux dicton « lune cerclée, pluie assurée », nous avons fait la
route du retour sous la neige…
C’est le château hanté ?
Quelque temps après notre séjour, je rappelle Marc Lambert pour le remercier de son hospitalité. Il me fait part de sa dernière surprise.
Contactant une entreprise locale de dépannage pour la chaudière, encore
défectueuse, il tombe sur un technicien avec lequel il prend rendez-vous.
Lorsque le propriétaire lui donne l’adresse, le chauffagiste répond, après un
court silence : « C’est le château hanté ? »