mercredi 6 janvier 2010

La Citole, une demeure hantée ?



Un chasseur de fantôme sommeille en chacun de nous. Cultivant son goût pour le mystère et les lieux énigmatiques, l'un de nos lecteurs a joué les Camille Flammarion et nous a transmis ce compte-rendu d'enquête. Nous le remercions pour l'autorisation de publication et le saluons pour la qualité de ses démarches d'investigation.

C’est lors d’une discussion portant sur l’existence des fantômes que mon collègue de travail me rapporte une histoire de maison hantée. Il y a une quinzaine d’années, un ami de son frère achète une vieille demeure située sur la commune de Villepinte. Personne ne l’a encouragé à l’acquérir car des rumeurs courent sur cette maison. L’homme qui est d’origine finlandaise se nomme S. Y. (1). Alors qu’il est accompagné d’un ouvrier nommé J. M., il est témoin de deux incidents étranges. Des flammes sortent de prises de courant et un lustre jeté au feu avec d’autres objets probablement en mauvais état en ressort intact ( ?). Intrigué par cette histoire, je décide de me rendre sur place avec mon collègue.
Les fenêtres de cette imposante maison bourgeoise sont murées. La porte d’accès du terrain semble en assez bon état et aucune pancarte "à vendre" n’est visible. En dehors de paratonnerres, je n’observe aucune antenne de télévision sur les toits. Ce qui me fait penser qu’elle est inhabitée depuis très longtemps. Je décide de téléphoner à la mairie. J’apprends qu’ayant été menacée de destruction, elle a été acquise par la commune. On me passe par la suite Mlle L. qui travaille à la bibliothèque communale. Elle m’indique que c’est l’un des rares bâtiments anciens de la commune. Construit au XIXème siècle, il a été endommagé lors de la libération de Villepinte. Son nom, La Citole, a pour origine celui de l’ancien propriétaire. Elle ajoute qu’un court article mentionnant son existence est visible dans un livre intitulé Villepinte en France. Le lendemain, le service de l’urbanisme confirme les propos de Mlle L. mais contredit l’origine du nom La Citole. Grâce à internet, je peux retrouver un article paru dans le magazine Villepinte citoyenne (page 22) qui me donne un petit historique de la maison. Ni mort suspecte, ni événements étranges n’y sont signalés. Sur un autre site, je découvre qu’un marché a été lancé afin de réhabiliter le bâtiment. Le but est de créer une salle d’activités pour personnes âgées, un espace d’accueil et d’exposition et des salles associatives. Personne ne semble avoir répondu au marché car la date prévisionnelle de commencement des travaux était le 1er janvier 2006. La commune étant à mon souvenir endettée (2), le projet a peut-être été abandonné provisoirement. Je décide de demander au conservateur des hypothèques une réquisition réelle pour l’obtention de toutes les formalités et inscriptions publiées sur cette maison. La réponse me parvient quelques semaines plus tard. L’ancien propriétaire, M. N., est décédé le 31 mai 1979 à 64 ans. Huit ans plus tard, ses héritiers (3) revendent le bien à un bon prix (4) à la société Meeker Investissement Sonfeld & Cie. On peut imaginer que cette société a envisagé de détruire la Citole afin d’y réaliser ses projets. En 1990, soit quatre ans plus tard, la ville acquiert La Citole pour un franc symbolique. La mairie a peut-être cédé d’autres terrains à la société d’investissement afin de sauver ce patrimoine local. Mon collègue me signale une discussion sur internet (Facebook). Les membres du site y regrettent la destruction d’une ancienne ferme de Villepinte remplacée par des pavillons. Ces personnes avaient l’habitude de s’y rendre autrefois. L’un d’eux évoque d’autres bâtiments dont celui qui m’intéresse. Il déclare : «La Citole avec seringues et les fantômes Ahahaha…». L’internaute ne paraît pas terrifié par ses visites et prend tout ceci avec humour. L’endroit semble avoir été visité par des drogués. Cela peut expliquer que la mairie ait fini par condamner les entrées de la maison. On peut imaginer qu’en s’introduisant illégalement dans cette demeure abandonnée, peut-être la nuit, des individus aient pu être perçus comme des spectres par les gens des maisons voisines.
Il y a peu de chance pour que l’épouse de M. N. soit encore vivante et j’ignore le prénom de son fils. Je trouve dans l’annuaire un certain S. N. habitant Tremblay, une ville voisine de Villepinte. Je prends aussitôt contact avec lui. Il me confirme être le fils de l’ancien propriétaire. Il m’apprend que son père était chapelier. Il me raconte que sa famille constituée de huit personnes, d’origine italienne, vivait dans cette maison. Avec le temps, plusieurs occupants décèdent. Les deux derniers membres de la famille trouvant la maison trop grande décident de la vendre. Des musulmans s’y intéressent pour en faire une mosquée. Au final, une société fait une offre intéressante mais la mairie s’y oppose car il est prévu de détruire la maison pour construire des pavillons. La mairie oblige les héritiers à vendre le bien à la société Meeker qui le cède à la mairie en échange des terrains voisins. M. N. n’a jamais vu de fantôme à la Citole mais il a entendu dire qu’il y aurait eu, après le départ de sa famille, des messes noires à l’intérieur de la maison. Il regrette d’ailleurs que, suite à cela, le beau parquet de la maison ait été brûlé. D’après lui, la splendide maison a été saccagée ; la mairie a refait le toit mais le mur d’enceinte a été remplacé par une vulgaire clôture. Les éléments dont je dispose maintenant contredisent une partie du récit de mon collègue. Il est vrai qu’il n’a pu vivre les événements (5). Lorsqu’il a 15 ans, la mairie de Villepinte est déjà propriétaire de La Citole. Elle n’a aucune raison de la revendre. Je n’ai trouvé aucun propriétaire du nom de S. M. N. n’a jamais entendu parler de lui. Si M. S. n’a jamais acquis la maison, comment a-t-il pu y accéder ? A-t-il profité d’un ouvrier chargé d’une rénovation provisoire pour le faire ? On a malheureusement perdu la trace des principaux témoins. Mon collègue croit en l’existence du diable, cela a pu influencer son jugement sur la maison. Sa mère confirme ses dires mais ces événements étranges que l’on n’arrive pas précisément à dater ont pu être déformés avec le temps. On peut envisager plusieurs hypothèses pour trouver une explication. M. S., un homme aisé, est intéressé par La Citole. S’étant vanté de pouvoir l’acquérir, il se heurte au refus de la mairie. Il profite d’une histoire de fantôme pour dissimuler cet affront. Par ailleurs, la demeure est vétuste, l’installation électrique n’est probablement pas aux normes. Les conditions sont réunies pour provoquer un court-circuit, une étincelle, dans une ou plusieurs prises. Un incendie commence souvent de cette façon. Un lustre n’est pas non plus un élément très combustible. Une maison inhabitée dans une région où le prix du mètre carré reste très élevé a pu paraître insolite à des personnes ignorant qu’elle appartenait à la mairie. L’abandon de la maison et les visites nocturnes qu’elle a subies ont pu concourir à créer une légende urbaine. Des drogués ont pu propager cette histoire de maison hantée afin de ne pas être dérangés dans leurs activités. Si un jour de nouvelles informations sont portées à mon attention je me pencherai de nouveau sur cette affaire. Aujourd’hui, il semble préférable de refermer ce dossier par manque d’éléments probants.

Le 18 novembre 2009

Enquête et rédaction M. GILLOT Jean-Marc
Relecture et correction Mme GILLOT DENIE Diane

(1) NDLR : Par souci de confidentialité et de respect de la vie privée, une règle à laquelle se conforme, par défaut, Maison-Hantee.com, la rédaction a décidé de ne pas publier les noms des protagonistes cités par l’auteur de l’article.
(2) Lorsque je vivais à Villepinte, la taxe d’habitation était très élevée.
(3) Son épouse et son fils.
(4) Evaluation des biens en 1978 : partie de 600 000 francs; Prix (partie) en 1986 : 2 300 000 francs.
(5) Mon collègue est né en 1985.

Illustration : Ancienne carte postale du Château de la Citole, à Villepinte

8 commentaires:

Amaury a dit…

Une histoire incroyable, j'irais bien à Villepinte rien que pour m'imprégnier de l'âme de cette demeure. L'article est très bien écrit et j'ai pris grand plaisir à le lire, bien construit, interessant, documenté et bien commenté, un régal pour tous les amateurs. Je félicite l'auteur qui est aussi un audacieux enquêteur.

salomé a dit…

Belle enquête, bien menée.
J'en profite pour féliciter aussi Amaury pour ses magnifiques blogs, autant pour les photos que pour le contenu.

Merlin a dit…

Une investigation menée remarquablement.

Félicitation aussi aux auteurs de ce blog pour leur nouvelle mise en page !

Amaury a dit…

Merci Salomé, tes compliments me font chauds au coeur... par contre je n'ai qu'un seul blog ^^ j'ai déjà du mal à faire quelque chose de correct alors faire deux blogs... je ne suis pas si courageux. J'apprécie tes encouragements quant au contenu... mais va falloir que je m'améliore.

Anonyme a dit…

Ma tante , qui habite la maison juste a coté y est née en 1931 ou 1932 ...

JF IRAGNE a dit…

Ma tante y est née , et ma grand mere y a travaillé comme gouvernante , sous les ordre de Monsieur oufouet bouani . C'est meme Mr Bouani qui a preter de l'argent a ma grand mere pour acheter la maison juste derriere le mur de la Citole , qui servait avant de pavillon de chasse !! Un abreuvoir de 5 metres de long en pierre , est toujours chez ma grand mere ..

Le Blog de Maison-Hantee.com a dit…

Pour faire suite au commentaire de JF Iragne, voici un extrait d'un article du site de la ville de Villepinte qui mentionne la présence de Félix Houphouët-Boigny à la Citole : "Le château rouge n’est pas le seul château de Villepinte. Celui de la Citole fait également partie du paysage patrimonial. On ne sait pas précisément quand il a été construit, mais son existence est déjà mentionnée au XVIIème siècle. Du début du XIXème siècle jusqu’en 1857, date de sa démolition, le château est habité tout au long de l’année par la famille du comte Christian Dumas, aide-comptable du roi, et leurs domestiques. En 1859, Jules Doazan, un riche bourgeois exerçant la profession d’agent de change à Paris fait construire l’actuelle villa de la Citole. Il souhaite profiter de la campagne et de l’air pur, tout en restant proche de la capitale. Tout au long du XXème siècle, de riches propriétaires se succèdent dont Félix Houphouët-Boigny, qui occupe la Citole de 1952 à 1957 et qui deviendra plus tard le premier président de la Côte-d’Ivoire de 1960 à 1993." (source : http://www.ville-villepinte.fr/fr/histoire-de-villepinte.html)

Jojolatune:p a dit…

J'habite moi même à Villepinte (héhé)!
Mais je n'ai jamais trouvé cette maison "terrifiante"... A part des fenêtres condamnées et une imposante clôture y'a rien d’extraordinaire.
Ceci dit j'aimerai bien aller questionner les gens qui habitent à côté de la Citole ^^.
Sinon beau texte ;)

(Je suis tombé sur ce texte en faisant des recherches sur cette maison justement)