mardi 14 février 2012

Chambre obscure

Sir Simon Marsden (1948 - 2012), au Musée Gustave Moreau, à Paris, en novembre 2006
Pour ceux qui ne croient pas aux fantômes, il leur suffit d’observer attentivement une de ses photographies pour changer de regard. Car ses clichés en noir et blanc révèlent l’invisible. Indéniablement. Nous avons appris avec tristesse le décès de Simon Marsden, photographe du surnaturel et chasseur de mystères hors pair. Sans doute partage-t-il désormais, de l’autre côté du miroir, ce monde fantastique auquel il rendait si bien hommage, par son sens de la lumière et de l’écriture. Passionné de fantômes et de châteaux hantés, il sillonnait le monde, armé de son appareil photo argentique, pour collecter les mythes et figer sur la pellicule nos peurs ancestrales, dans des lieux chargés d’histoire, avec ce sens si particulier de l’esthétisme. C’est une marque de whisky qui l’a révélé au grand public, quand ses photographies hantaient les affiches de métro pour vanter les mystères de l’Ecosse. Toujours collectors, ses ouvrages font partie de ces beaux livres transmis en secret ou recherchés désespérément dans les vieilles bibliothèques. Je me souviens de son Journal d’un chasseur de fantômes, en édition française, déniché par hasard dans une célèbre librairie de la Place Saint-Michel, à Paris. J’étais jeune et l’argent de poche était compté. Le précieux Graal est donc resté sur sa pile, jusqu’à épuisement. Une perte irrémédiable, un vide immense, le début d’une quête. Des années après, je crée Maison-Hantee.com et fais la rencontre d’Erick Fearson, lui-même disciple fanatique du photographe anglais. En 2006, Simon Marsden publie un livre sur la France hantée, chez Flammarion. Dans la perspective de ce projet, il nous avait contactés pour avoir nos conseils, les bonnes adresses d’Erick. De tous les chercheurs de trésors hantés, il fut le seul à avoir obtenu sans condition nos confidences sur les endroits les plus étranges de notre répertoire. J’avais moi-même visité la Forteresse de Largoët, en Bretagne. Des ruines fantomatiques, théâtre de sensations étranges. Il s’y est rendu. Dans les pages qu’il consacre à cette ancienne prison du Morbihan, il est témoin d’une apparition, au moment où il rassemble son matériel. Chez lui, la modestie était telle qu’il parlait de ses expériences de l’au-delà avec prudence. S’il disait qu’il avait vu quelque chose, là, dans ce recoin obscur d’une tour isolée, on pouvait le croire. Pour la promotion de La France hantée, nous participons à une séance de dédicace puis dînons au restaurant. Simon Marsden était notre invité. Un privilège rare que de partager une soirée avec le maître. Pendant son séjour à Paris, il se prête volontiers à notre jeu d’interview, au Musée Gustave Moreau, prenant la pose avec Erick. Puis, il regagne son presbytère hanté, perdu dans la campagne anglaise, pour d’autres voyages littéraires. Son dernier coup d'archet fut pour les vampires avec The twilight world, paru fin 2011. Cet homme immense, au timbre de voix si particulier, va nous manquer. Good bye Sir !
Olivier Valentin

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