lundi 22 novembre 2010

Rencontre avec un chasseur de fantômes

Paris, sous le crachin de la nuit tombée. Au pied du mur d'enceinte du cimetière du Père-Lachaise, dans le cabinet d'un radiesthésiste où se sont rassemblés une trentaine de curieux, intrigués par le thème de la conférence, un homme raconte, non sans humour, d'étranges histoires de fantômes et de maisons  hantées. Mentaliste de profession, Erick Fearson est l'un des rares chasseurs de fantômes français qui, chaque année, sillonne l'hexagone, poussant parfois ses enquêtes au-delà des frontières, à la découverte des mystères de notre patrimoine.
Lorsqu'il évoque sa visite dans la maison d'un couple qui se plaignait d'une respiration inexplicable ou de bruits de pas dans la nuit, les participants frémissent. Leurs yeux trahissent une inquiétude. On dirait des adolescents, réunis sous la tente, qui cherchent à se faire peur avec des histoires terrifiantes, à la lueur hésitante d'une lampe de poche. Pourtant, les récits sont sérieux. Les méthodes éprouvées. Les explications honnêtes. "Cela peut être une chouette effraie, nichée dans les combles, dont la respiration fait penser à celle d'un être humain. Ou bien le vent qui fait cogner une branche d'arbre contre une fenêtre" conclut Erick. Mais, comme disait Sherlock Holmes, dans le Signe des Quatre, "une fois éliminées toutes les impossibilités, l'hypothèse restante, aussi improbable qu'elle soit, doit être la bonne". Erick Fearson invite donc à porter un autre regard sur les phénomènes surnaturels. Qu'est-ce qu'un fantôme ? L'esprit d'un défunt ? Une forme d'énergie résiduelle ? Une porte sur une autre dimension de notre espace-temps ? Tant de témoignages font état d'apparitions, à travers l'histoire des civilisations. Serait-ce uniquement le fruit de l'imagination collective ? Pour le chasseur de fantômes, derrière chaque récit de témoin, qu'il y ait ou non une anormalité scientifiquement mesurable, il y a d'abord une quête de sens. Un message à décoder. C'est le propre de son travail. A la fois empirique, basé sur les faits, et intuitif, puisant dans les rouages de la psychologie humaine. Tel est le but : chercher une signification, à l'écart de toute tentation sensationnaliste.
En bon orateur, Erick parvient à capter son public par le sens de la formule ("les fantômes n'apparaissent qu'à ceux qui doivent les voir"), par des anecdotes de terrain et des démonstrations. C'est ainsi qu'il présente deux outils de mesure : le détecteur de champs électromagnétiques et le thermomètre à visée laser. Le premier s'affole. Détecte-t-il du parasitage électrique ? Une source inconnue de magnétisme dans la petite pièce surchauffée ? Gérard, le propriétaire des lieux, apporte l'explication : dans une vitrine de la boutique, il y a des pierres provenant du site mégalithique de Stonehenge, en Grande-Bretagne. Elles seraient donc fortement chargées. Quant au second appareil, il indique 666°C dès sa mise en route. La température du diable ? Hilarité générale. C'est donc en toute légèreté qu'Erick Fearson aborde des sujets controversés.
Pendant la pause, une participante qui accompagne une amie me confie : "Je ne voulais pas venir. Ces sujets-là me font peur. Mais, j'apprécie l'humour du conférencier. Il ne se prend pas au sérieux." Projetant une série de chroniques radio pour les fêtes, un journaliste de France Info est venu "en repérage". Pour entendre Erick, mesurer son discours. Le voilà rassuré. Ce n'est pas un charlatan, ni un illuminé gothique. Erick Fearson bouleverse les idées reçues, incitant chacun à éviter les jugements extrémistes pour privilégier la "voie du milieu". Soudain, il sort une photo et la fait passer dans l'assistance. Une forme spectrale se devine. "Ce cliché a été pris par une journaliste à l'abbaye de Mortemer, en Normandie. La pellicule a été expertisée. Il n'y a aucun trucage. A ce jour, aucune explication rationnelle ne peut justifier cette silhouette." Serait-ce le fantôme de Mathilde l'Emperesse qui hante cette vieille abbaye cistercienne de l'Eure ? Il faut dire que le lieu est chargé de légendes. Erick y a vécu de nombreuses expériences. En particulier, des caméras ou appareils numériques qui tombent subitement en panne pendant des tournages télévisuels. Ou encore, cette respiration qui a encerclé pendant cinq longues minutes une petite équipe de reporters. "Certainement pas une chouette. Je peux le garantir. Son rythme s'accélérait. En outre, j'ai fait l'expérience d'une présence, tout près de moi, sans voir quiconque, à l'exception des membres de l'équipe. Paranormal ou pas, ce souvenir étrange me hante encore" confie Erick, l'air grave. Pourquoi les manifestations surnaturelles ont-elles souvent lieu la nuit ? Pour l'ambiance ? Pas seulement. "La nuit, tous nos sens sont en alerte. On ne voit pas les choses de la même manière qu'en plein jour. Prenez l'exemple d'une ballade en forêt. Elle prend une autre dimension, la nuit. Notre perception est amplifiée." Serions-nous ainsi plus ouverts à "l'inquiétante étrangeté" dont parlait Freud ? Parce que certains d'entre nous sont plus sensibles que d'autres, des "médiums qui s'ignorent". Qu'avons-nous fait de notre sixième sens, celui de l'intuition, vestige d'une faculté primitive aujourd'hui atrophiée ?
Pour clore sa conférence, le mentaliste nous propose de tester nos capacités psi, à l'aide de quelques accessoires comme des baguettes de radiesthésiste ou les fameuses cartes Zener. Télépathie, clairvoyance : à travers ces expériences, Erick recommande de se fier à sa première impression. Car, après quelques secondes, c'est l'intellect qui prend le dessus, nous fermant les portes d'un autre monde. Il est temps pour Erick Fearson de regagner sa Normandie natale. De s'effacer, comme un fantôme, avec le temps. Laissant à quelques privilégiés le sentiment d'avoir vécu une soirée hors du commun. Mais, Erick Fearson était-il bien là ce soir ? Ou était-ce le fruit de notre imagination ?

Olivier Valentin

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